17 mars 2006

Bouddha

Sutra du Lotus
(Chap. II & Chap XVI)


Chapitre II

A ce moment, le Vénéré du monde (le Bouddha) sortit sereinement de sa méditation (samadhi) et s'adressa à Shariputra (l'un des dix grands disciples du bouddha) :

"La prajna (connaissance silencieuse et intuitive pratiquée par les bodhisattva) de tous les bouddhas est fort profonde, incommensurable; difficile à comprendre, difficile à pénétrer est la porte de leur sagesse.
Ni les auditeurs ni les éveillés solitaires (pratyekabouddhas) n'ont la capacité d'y parvenir.
Pourquoi cela ?
Un bouddha a autrefois pratiqué avec d'innombrables bouddhas par milliers et myriades;
Il a pratiqué jusqu'à leur terme les innombrables méthodes portant sur la voie des Eveillés;
plein d'audace et d'énergie, son renom s'est universellement répandu
Il a mené à accomplissement le dharma extrêmement profond qui n'a jamais été révélé;
la teneur de ce qu'il prêche de façon appropriée est difficile à comprendre Shariputra, depuis que j'ai atteint l'Eveil, à l'aide de nombreuses relations et de paraboles, j'ai largement exposé mes enseignements [et,] par d'innombrables moyens j'ai amené les êtres à renoncer à leurs attachements
Comment cela?
L'Ainsi-Venu (autre nom du Bouddha) est déjà doté à la fois de moyens, de savoirs et de perfections. Shariputra, les savoirs de l'Ainsi-Venu sont vastes et profonds. De part sa force, son intrépidité, la sûreté du raisonnement, sa libération et sa concentration il a pénétré profondément l'illimité et réalisé la totalité des lois qui n'ont jamais été révélées.
Shariputra, l'Ainsi-Venu opère habilement de multiples distinctions, il enseigne adroitement les multiples lois et par ses paroles suaves il comble de joie les coeurs de la multitude. Shariputra, s'il ne faut dire que l'essentiel, ces lois qui n'ont jamais été révélées et qui sont incommensurables et illimitées, le Bouddha les a toutes réalisées.
Cesse, Shariputra, je ne dois pas en dire davantage
Pourquoi ? [Parce que] ce que le Bouddha a réalisé est la Loi la plus difficile à comprendre et la plus rare. Ce n'est qu'un Bouddha avec un autre Bouddha qui peut élucider parfaitement l'aspect réel des dharma.
Ce qui signifie que pour les multiples dharma :
Ainsi est l'aspect,
ainsi est la nature,
ainsi est la corporéité,
ainsi est l'énergie,
ainsi est la production,
ainsi est la cause,
ainsi est la condition,
ainsi est l'effet,
ainsi est la rétribution,
ainsi est l'égalite totale de l'origine et de la fin"



Chapitre XVI

A ce moment le Bouddha s'adressa à la multitude des bodhisattva ainsi qu'à la grande assemblée.

"O vous, hommes de bien,
Vous devez croire et comprendre la vérité des paroles de l'Ainsi-Venu."

A nouveau il s'adressa à la grande assemblée

"Vous devez croire et comprendre la vérité des paroles de l'Ainsi-Venu"

Une fois de plus il s'adressa à la grande [et diverse] assemblée

"Vous devez croire et comprendre la vérité des paroles de l'Ainsi-Venu."

A cet instant l'assemblée des bodhissatva qui avaient fait de Maitreya (bodhisattva du Grand Véhicule, "celui qui aime". Ses questions insistantes poussèrent Shakyamuni à exposer en détails certains points sur la "durée de vie") leur héraut joignit les mains et s'adressant au Bouddha dit :

"O, Vénéré du Monde, Voila la seule chose que nous désirons.
Sans aucun doute nous croirons et accepterons les paroles du Bouddha."

Après qu'ils eurent répété [cela] trois fois ils dirent encore :

"Notre seul désir est que vous nous instruisiez.
Nous croyons certainement les paroles du Bouddha."

A ce moment le Vénéré du Monde sachant que la multitude des bodhisattva qui s'est exprimée par trois fois ne s'arrêterait pas, dit les paroles suivantes :

"O vous, entendez bien!
Voici les pouvoirs secrets et divins de l'Ainsi-Venu.
Dans tous les mondes des dieux jusqu'aux asura (dieux inférieurs qui mènent une guerre contre les dieux) tous croient que le Bouddha Shakyamuni a quitté la résidence des Shakya... et partit non loin de la ville de Gaya pour obtenir l'Eveil correct, complet et sans supérieur.
Pourtant, hommes de bien, depuis que je suis vraiment devenu le Bouddha un temps incommensurable et infini de centaines de milliers de millions de milliards de myriades d'éons s'est écoulé.
Cela est comparable à un homme que l'on emploierait pour réduire en frottant jusqu'à en faire des particules infimes 500, 1000, 10 000, 1 000 000, 10 puissance 12, d' infinités de 3000 de grands 1000 mondes.
Ensuite de quoi il se dirige vers l'est et une fois qu'il a franchi 500, 1000, 10 000, 1 000 000, 10 puissance 12, d' infinités de contrées il laisse tomber une particule.
Alors il repart vers l'est jusqu'à épuisement de toutes les particules.
Hommes de bien, concevez-vous cela ?
Toute cette multitude de mondes est-ce que vous pouvez en concevoir l'ordre de grandeur ou non ?

(...)

Je le proclame clairement devant vous :
supposez que tous ces mondes - qu'ils aient reçu une particule ou non - soient une fois de plus réduits en poussière.
Considérez qu'une particule représente un éon.
Alors le temps écoulé depuis que j'ai atteint la boddhéité surpasse ceci de cent, mille, dix mille, cent mille, nayuta, asogi éons.

Et toujours depuis j'ai été en ce monde pour enseigner la Loi.
J'ai aussi guidé et protégé les hommes de cent, mille, dix mille, cent mille, nayuta, asogi, autres mondes.
Hommes de foi sincère, pendant ce temps je donnais mon enseignement sur le bouddha Dipamahara (le prédécesseur de Shakyamuni) et d'autres
Et, de plus, j'ai parlé de leur entrée dans l'Extinction (Nirvâna)
Tout cela je l'ai fait en utilisant diverses méthodes d'enseignement adaptées aux capacités des hommes.
Quand le peuple venait à moi, je percevais avec les yeux du bouddha le degré de sa foi et de ses autres capacités.
Alors, selon que son esprit était ouvert ou non, je faisais mon apparition dans de nombreux mondes, sous différents noms, et lui apprenais combien de temps mon enseignement serait efficace.
En d'autres occasions, quand j'apparaissais, je disais aux hommes que je devais bientôt entrer dans le Nirvâna, et j'ai exposé de bien de façons les enseignements merveilleux et ai fait en sorte de réjouir leur coeur.
Hommes de foi sincère, le Tathagata (l’Ainsi-Venu), remarquant que ces hommes, peu vertueux et souillés par leurs fautes, suivaient des lois inférieures, leur enseigna.
J'ai renoncé au monde dans ma jeunesse et j'ai atteint l'éveil.
Cependant depuis que j'ai atteint l'Eveil il s'est écoulé en vérité un temps excessivement long, je l'ai déjà révélé.
C'était seulement un moyen dont j'ai usé pour donner mon enseignement aux hommes et faire qu'ils s'engagent sur le chemin de la boddhéité.
Hommes de foi sincère, tous les sutra que le Tathagata a exposés ne sont destinés qu'à sauver les hommes de toutes leurs souffrances.
Ou j'ai parlé de moi, ou j'ai parlé des autres, ou je me suis présenté, ou j'ai présenté les autres, ou j'ai montré mes actes, ou j'ai montré ceux des autres.
Toutes mes doctrines sont vraies et aucune n'est erronée.
En voici la raison : L’Ainsi-Venu perçoit le véritable aspect des trois mondes [celui du désir, de la forme subtile et de la non-forme] exactement tel qu'il est.
Il n'y a ni flux ni reflux de la naissance et de la mort, ni vie dans ce monde ni anéantissement plus tard.
Il n'est ni substantiel ni vide, ni cohérent ni divers, et ce n'est pas non plus ce qu'en aperçoivent ceux qui vivent dans les trois mondes.
Le bouddha voit clairement toutes ces choses-là sans erreur.
Puisque les hommes ont des natures, des désirs et des modes de comportement différents,ainsi que des idées et des jugements variés, je leur ai proposé différents enseignements, grâce à diverses histoires de relation de cause à effet, paraboles et autres moyens, dans mon désir de planter les graines de l'éveil dans leur coeur.
J'ai poursuivi cette pratique bouddhique sans trêve.
Depuis que j'ai atteint la boddhéité, une période inimaginablement longue s'est écoulée.
La longueur de ma vie est d'innombrables éons. Ma vie a toujours existé et ne finira jamais.
Hommes de foi sincère, j'ai aussi jadis pratiqué les austérités de bodhisattva et la vie que j'ai acquise alors n'est pas encore épuisée.
Ma vie durera encore deux fois plus d'éons.
Bien que je ne meure jamais réellement, je prédis ma propre mort.
Par ce moyen, le Bouddha enseigne aux hommes.
Si le Bouddha reste trop longtemps dans ce monde, ces hommes de faible vertu ne pourront pas accumuler la bonne fortune nécessaire pour atteindre l'Eveil. Ils tomberont dans des vies pauvres et quelconques.
S'ils suivent les cinq désirs, ils seront pris dans les rets des pensées erronées et des idées inférieures.
En voyant le bouddha constamment présent et immortel en ce monde, ils deviendront non seulement arrogants et égoïstes, mais négligeront leur pratique du bouddhisme.
De plus, ils ne pourront pas comprendre combien il est difficile de rencontrer le Bouddha et risqueront de perdre leur respect pour lui.
Donc le Bouddha enseigne un moyen :
"Sachez, vous les moines, qu'il est rare de vivre à une époque où le Bouddha apparaît dans le monde".
Même après un laps de temps infini de cent, mille, dix mille, cent mille éons, certains hommes à la vertu faible peuvent avoir la chance de voir un bouddha, mais d'autres ne le peuvent pas encore.

"Moines, c'est un événement rare que quelqu'un puisse voir le bouddha."

Quand les hommes entendent ces mots, ils sont certains de comprendre combien il est rare de voir un bouddha, et ils viennent alors à le rechercher et à souhaiter sa venue.
De cette façon, ils plantent la cause de l'Eveil dans leur coeur.
C'est pourquoi le Bouddha annonce sa propre mort bien qu'il ne s'éteigne pas réellement
Vous, hommes de foi sincère, n'importe quelle Loi de n'importe quel bouddha est toujours ainsi.
Puisque les bouddhas révèlent les lois afin de sauver les hommes, toutes sont vraies et non erronées.

Imaginez un sage et habile médecin qui peut fabriquer des médicaments pour soigner n'importe quelle maladie.
Il a de nombreux fils, peut-être dix, vingt, ou même cent. Il part dans une région éloignée pour une quelconque affaire. Quelque temps plus tard, les enfants prennent du poison qui les met au supplice et ils tombent à terre en se tordant de douleur. A ce moment, le père revient chez lui et voit que tous ses enfants ont pris du poison. Certains ont perdu l'esprit et d'autres non.
Voyant leur père de retour, ils sont remplis de joie et s'agenouillent pour l'implorer :
"C'est une bonne chose que vous soyez rentré sain et sauf. Nous avons été stupides et, par erreur, nous avons bu du poison. Nous vous prions de nous soigner et de nous permettre de vivre plus longtemps."
Le père, voyant ses enfants subir un tel supplice, se reporte à divers traitements.
Puis, ressemblant de bonnes herbes médicinales aux couleurs ravissantes, au parfum et à la saveur exquise, il les pile, les tamise et les mélange.
Les donnant à ses enfants, il leur dit de les prendre :
"Ce médicament hautement bénéfique est parfaitement doté de couleur, parfum et saveur exquis. Vous devez le prendre, et vous serez rapidement guéris de ce supplice et d'une foule d'autres afflictions."
Ceux des nombreux enfants qui n'ont pas perdu l'esprit peuvent voir que la couleur et le parfum du médicament sont bons, aussi le prennent-ils et sont complètement guéris de leur maladie.
Les autres qui ont perdu l'esprit sont tout aussi heureux de voir leur père de retour et lui demandent de les soigner, mais quand il leur donne le médicament, ils refusent de le prendre.
Ils agissent ainsi parce que le poison a profondément pénétré dans leur vie, provoquant la perte de leur esprit; donc ils pensent que ce remède bénéfique est inefficace malgré sa couleur et son parfum agréables.
Alors le père réfléchit:
"Mes pauvres enfants!
Le poison a pris possession d'eux et a corrompu leur coeur.
Bien qu'ils soient heureux de me voir et me demandent de les guérir, ils refusent de prendre ce bon remède que je leur offre.
Maintenant je dois utiliser quelque moyen pour les amener à le prendre."
Aussi, il leur dit ceci :
"Enfants, écoutez! Je suis maintenant âgé et faible.
Ma vie touche à sa fin.
Je laisse maintenant ici ce bon remède pour vous.
Vous devez le prendre et ne pas penser qu'il est inefficace."
Les conseillant ainsi, il repart pour une autre région, d'où il envoie un messager qui vient annoncer:

"Votre père est mort."

En entendant que leur père était mort, les fils sont pris de graves remords et réfléchissent :
"si notre père était en vie, il aurait pitié de nous et nous protégerait, mais maintenant il nous a abandonné et il est mort dans un lointain pays. Nous ne sommes plus que des orphelins sans personne sur qui compter."
Dans leur chagrin infini, ils s'éveillent finalement.
Ils comprennent que le remède a réellement une couleur, un parfum et une saveur excellents, et ils le prennent et sont guéris de leur empoisonnement.
Le père, entendant que ses enfants sont guéris, revient chez lui et leur apparaît à tous.

Maintenant, hommes de foi sincère, que pensez-vous de cela?

Quelqu'un peut-il dire que cet excellent médecin est un menteur.

Il en est de même pour moi.
Le temps est sans limite - cent, mille, dix mille cent mille, nayuta asogi éons depuis que j'ai atteint la boddhéité.
Pour les hommes, j'ai utilisé ces moyens, parlant de ma propre mort.
Cependant, aucun ne peut raisonnablement m'accuser du péché de mensonge."

A ce moment, le Bhagavat désirant mettre l'accent sur cet enseignement, parla en stances :

"Depuis que j'ai atteint l'Eveil
D'innombrables éons se sont écoulés
Cent mille asogi [10 puissance 51] éons
J'ai continuellement enseigné la Loi

Et permis à d'infinis millions d'hommes
De prendre le chemin de la boddhéité.

Je laisse le peuple être témoins de mon nirvana
Comme moyen de le sauver.
Pourtant, je ne meurs pas réellement
Mais suis toujours ici, enseignant la Loi.

Je suis ici éternellement
Utilisant mes pouvoirs mystiques
Pour guider les hommes pervertis
Incapables de me voir bien que je sois proche

Quand ils voient mon décès
Et rendent grand hommage à mes reliques,
Tous ressentent du regret
Et la vénération jaillit de leur coeur.

Alors le peuple en est venu à croire
Sincère et modeste
Son seul désir est de voir le Bouddha
Et il ne donne pas sa vie à contrecoeur

A ce moment, moi et mes disciples
Apparaissons ensemble sur le pic du Vautour

Alors je dis aux hommes
Que je suis toujours ici, jamais mort,
Et que ma naissance et ma mort ne sont que des moyens

Si dans d'autres mondes il y a
Ceux qui révèrent, cherchent et croient,
Parmis eux j'enseignerai aussi
La plus élévée de toutes les lois.

Mais vous refusez de prêter attention à mes paroles,
Et pensez seulement que je meurs.
Je vois les hommes submergés d'une mer de douleur,
Pourtant je ne me montre pas encore
Mais les amène à désirer me voir.
Quand leurs coeurs commencent à soupirer
J'apparais aussitôt pour enseigner la Loi
Mon pouvoir mystique est celui-ci.
Depuis d'innombrables éons
J'ai toujours été au Pic du Vautour
Et dans diverses autres régions.
Même quand l'humanité verra le monde
Consumé dans les flammes
Durant l'éon du déclin,
Ceci, mon pays, demeurera en paix

Les divinités et les hommes sont toujours assemblés ici
Les jardins et les palais sont décorés de pierres précieuses
Des arbres rares sont couverts de fleurs et de fruits
En ce monde, les hommes vivent dans le bonheur,
Toutes les divinités frappent sur les tambours célestes
Une symphonie harmonieuse, sans fin
Les fleurs blanches de mandara pleuvent
Sur le Bouddha et sur les hommes,
Mon pays pur est indestructible
Mais les hommes le voient néanmoins
Rempli de tristesse, de crainte et de souffrances
Lieu de troubles innombrables.

Tous ces hommes qui ont commis des fautes
Sont enchaînés par leur mauvais karma
Ils n'ont pas entendu les noms des trois trésors
Depuis des myriades d'éons

Tous ceux qui accumulent de grands bienfaits,
Les hommes qui sont humbles et honnêtes
Peuvent tous me voir tel que je suis,
Résidant en ce monde et enseignant la Loi

Parfois j'enseigne à ces hommes
Que la vie du Bouddha est éternelle
Et à ceux qui ne voient le Bouddha qu'après une longue période
J'enseigne qu'il est difficile de rencontrer le Bouddha

Tel est le pouvoir de ma sagesse
Elle éclaire infiniment loin et
Ma vie dure depuis des éons innombrables
J'ai obtenu ceci après une longue pratique.

Vous, hommes sages
Délivrez-vous de tous vos doutes à ce sujet.
Extirpez-les une fois pour toutes
Les paroles du Bouddha sont vraies, non fausses.

Il est comme l'excellent médecin,
Utilisant certains moyens pour guérir ses enfants abusés.
Il vit mais leur dit qu'il est mort
Personne ne peut qualifier d'erronées ses enseignements.
De plus, je suis le père de ce monde
Qui sauve la totalité de ses hommes souffrants et affligés.

Pour les hommes ligotés et abusés
Je parle de mon nirvana
Bien que je continue en réalité à vivre
Car s'ils pouvaient toujours me voir ici,
Ils commenceraient à devenir arrogants
Indulgents pour eux-mêmes et tournés vers les cinq désirs de base,
Ils tomberaient dans les voies du mal.
Je connais toujours les hommes,
Qu'ils pratiquent la voie ou non.
D'après cela, j'expose les diverses lois
Les plus appropriées à leur salut.
Je réfléchis toujours
A la manière de conduire les hommes au chemin suprême
De sorte qu'ils puissent
Atteindre la boddhéité sans délai.