20 mars 2006

L'écran du Soi

« Quand l’état de veille prend fin, je suis ;
quand l’état de rêve prend fin, je suis ;
quand l’état de sommeil profond prend fin, je suis.
Ils se succèdent et pourtant je suis encore.

Vous êtes un être immuable et permanent qui demeure le même dans tous ces états ;
les états ne cessent de changer et sont donc transitoires.
Mais vous, vous êtes toujours là.
Il s’ensuit que les objet fugitifs de la manifestation ne sont que de simples phénomènes qui apparaissent à la surface de votre être, telles des images sur un écran de cinéma.
Pareillement, vous ne bougez pas de là où vous êtes quand bien même des images viendraient et bougeraient.
Votre corps, les autres, la forêt et les chemins sont tous en vous ; vous n’êtes pas en eux.
Vous êtes aussi le corps, mais pas uniquement le corps.
Si vous demeurez comme le pur Soi, le corps et ses mouvements ne vous affecteront plus.
Un film projette un incendie sur un écran.
L’écran prend-il feu ?
Des tonnes d’eau sont déversées.
L’écran est-il mouillé ?
Du matériel est utilisé.
L’écran en est-il endommagé ?
Le Soi ne peut être ni blessé, ni brûlé, ni mouillé… Le feu, l’eau, etc., sont des phénomènes qui apparaissent sur l’écran du Soi, des images projetées, et ne l’affectent pas.
De même, je ne suis pas affecté quand l’un ou l’autre de ces états prend fin.

Des images bougent sur l’écran de cinéma.
Essayez de les attraper.
Qu’attraperez-vous ? Rien que l’écran.
Laissez disparaître les images.
Qu’est-ce qu’il reste ? Encore l’écran.
La Présence est l’écran.
Vous, moi et les autres sommes les images.
Les individus peuvent bouger, mais pas le Soi.

Au cinéma, le spectateur prête attention aux images projetées et oublie l’existence de l’écran.
Cependant ces images ne peuvent exister en dehors de celui-ci.
Mais son existence n’est pas perçue.
Ainsi nous pouvons comparer le Soi à l’écran sur lequel les images du film défilent.
L’homme est conscient des activités, du temps et de l’espace (le film), mais pas du Soi (l’écran) bien qu’il ne soit pas séparé du Soi.
Conscients des états de veille, de rêve et de sommeil profond, nous demeurons inconscients de notre propre Soi.
Et pourtant, le Soi est ici et maintenant, il est la seule réalité.
Il n’existe rien d’autre.
Aussi longtemps que persiste l’identification au corps, le monde semble se trouver à l’extérieur de nous.
Réalisez simplement le Soi, et tout le reste ne sera plus.

Le Soi cependant comprend tout.
Il est l’écran, les images, le spectateur, l’acteur, l’opérateur, la lumière et tout le reste.
Il n’y a qu’une seule conscience, mais nous parlons de plusieurs sortes de conscience, comme la conscience du corps, la conscience du Soi. Elles ne sont que des états relatifs de la même Conscience Absolue. Celle-ci est notre nature réelle.
Les images d’un film sont comme des ombres : elles apparaissent, avancent, reculent, changent de l’une à l’autre ; elles sont donc irréelles tandis que l’écran reste toujours le même.
Les phénomènes du monde, aussi bien intérieurs qu’extérieurs, ne sont que des manifestations passagères qui ne sont pas indépendantes de notre Soi.
Seule notre habitude de les considérer comme réelles et de les situer hors de nous-mêmes est responsable du fait que notre être véritable est caché et que les phénomènes du monde sont mis en avant.
Quand l’unique réalité toujours présente, le Soi, est trouvée, toutes les autres choses irréelles disparaîtront laissant derrière elles la connaissance qu’elles ne sont autres que le Soi.

Les états de sommeil profond, de veille et de rêve ne sont que des mouvements dans un état qui, lui, est constant ; l’écran ou la toile.
Le jnani (le sage, celui qui a réalisé le Soi) ne considère que l’écran.
Les images, certes, bougent sur l’écran, mais elles ne l’affectent pas. L’ego du jnani s’est dissous. Le jnani ne se limite plus à tel ou tel corps ou à tel ou tel événement. Le sage est pleinement éveillé là où l’obscurité règne pour les autres.

Les images du monde ne sont perceptibles que dans une lumière diffuse, c’est à dire dans la lumière du Soi, réfléchie à travers l’obscurité de l’ignorance (avidya).
L’avidya est la cause de la diversité.
Le mental ne peut projeter des pensées et voir des objets que grâce à une ignorance sous-jacente.
Le Soi est pure connaissance, pure lumière dépourvue de toute dualité, elle se tient au-delà de la connaissance relative et de l’ignorance, au-delà de la lumière ordinaire et de l’obscurité.
Le Soi est absolument seul.

Vous êtes l’écran, le Soi a créé l’ego et l’ego a ses formations de pensées qui se manifestent comme le monde, les arbres, les plantes, etc.
En réalité, tout cela n’est pas autre chose que le Soi.
Si vous voyez le Soi, vous trouverez le Soi en tout, partout et toujours. Rien d’autre que le Soi n’existe.

Une salle de cinéma est d’abord dans l’obscurité, ensuite la lumière artificielle est introduite et ce n’est que dans cette lumière que les images peuvent être projetées.
Pour différencier les choses, une lumière réfléchie est donc nécessaire.
Un dormeur ne peut rêver que tant qu’il n’est pas sorti du sommeil. Ce n’est que dans l’obscurité ou dans l’ignorance du sommeil qu’il peut voir les objets irréels du rêve. De la même façon, l’obscurité de l’ignorance donne naissance à la connaissance des perceptions du monde.

Sans être conscient du corps, comment peut-on dire que le corps existe pendant le sommeil ?
Le sens du corps est une pensée ; la pensée appartient au mental, le mental s’élève après la pensée « je » et la pensée « je » est la pensée-racine.
Si celle-ci est tenue fermement, les autres pensées disparaîtront. Alors il n’y aura plus de corps, plus de mental, ni même d’ego.
Il ne restera que le Soi dans toute sa pureté.»